En 1934 et 1936, les grands prix sont dominés par
les Auto Union et les Mercedes. La Scuderia Ferrari est la seule qui
parvient à s'opposer à ces adversaires.
Au début de 1933, Alfa Romeo renonce à la
compétition. Pour Enzo Ferrari cet événement a
du bon car il va lui permettre de tenter une nouvelle expérience
: cette fois-ci en effet, il gérera sa propre écurie
de course, la Scuderia Ferrari.
Pour l'État italien qui vient à peine d'acquérir
la propriété d'Alfa Romeo, la compétition revient
beaucoup trop cher. Ferrari demande que lui soient confiées les
toutes nouvelles P3; face au refus qui lui est opposé, il décide
de faire modifier par les techniciens de l'écurie les 8C Monza
et Mille Miglia avec lesquelles il a triomphé l'année
précédente. La cylindrée est portée à
2,6 l. Il fait courir aux côtés de ses vieilles Alfa une
monoplace Duesenberg flambant neuve équipée d'un moteur
8 cylindres de 4l de cylindrée. Dans l'esprit de Ferrari, cette
acquisition est probablement un moyen de faire pression sur Alfa
Romeo afin d'obtenir les fameuses P3 ou bien encore une façon
de profiter du prestige qu'une telle voiture ne manquerait pas de produire
sur le public. Ou encore, s'agit-il peut-être d'un moyen supplémentaire
de s'assurer la victoire. Mais la Duesenberg est un investissement inutile
car aucune de ces trois options ne se concrétise. La Scuderia
Ferrari remporte la victoire, mais avec les Alfa, les vieilles 8C. Nuvolari
gagne la première course de 1933, le Grand Prix de Tunisie, et
renouvelle son exploit aux Mille Miglia avec Compagnoni; il remporte
une troisième victoire au Circuit Bordino d'Alessandria. C'est
ainsi que naît le mythe du "Mantouan volant" et Ferrari
sait en tirer parti en accroissant son prestige. Mais une mauvaise surprise
l'attend, une surprise qui a la couleur bleue de la France et un nom
évoquant l'Italie : Bugatti. Les Alfa 8C ne sont pas à
la hauteur des créations du fameux Ettore Bugatti, et Nuvolari,
qui s'impose pourtant à l'Eifel et au Grand Prix de Nîme
commence à revendiquer le droit de choisir avec quelle voiture
courir. Un souhait légitime puisque la Scuderia Ferrari n'est
pas une équipe officielle. Nuvolari et Ferrari entrent en conflit
et, le 2 juillet, Nuvolari signe un accord avec Ernesto Maserati pour
courir avec ses monoplaces.
Le Mantouan remporte victoire sur victoire mais désormais ses
rapports avec Ferrari sont compromis. La rupture ne surprend personne
et elle entraîne toute une série d'évènements
qui tourneront à l'avantage d'Enzo Ferrari. Nuvolari et Borzacchini
s'en vont mais Alfa, craignant sans doute d'avoir perdu le meilleur
pilote du moment, accepte enfin de confier les P3 si convoitées
à la Scuderia Ferrari. D'autre part, l'écurie de Modène
engage Luigi Fagioli et Giuseppe Campari, qui trouve malheureusement
la mort sur le circuit de Monza en cette même année 1933
dans un accident qui coûtera également la vie à
Borzacchini et au comte polonais Tchaïkowski. Fagioli additionne
les victoires et l'année se conclut par un bilan positif.
En 1934, Alfa Romeo impose à Ferrari d'engager Varzi et Moll.
Pour Ferrari c'est le meilleur moyen de compenser la perte de Brivio
et Fagioli qui rejoignent respectivement Bugatti et Mercedes. Depuis
le début, les Alfa P3 de la Scuderia Ferrari, améliorées
par les techniciens de la firme dirigés par Luigi Biazzi, font
preuve de compétitivité. Varzi devient aussi célèbre
que Nuvolari; les deux hommes se partagent désormais les
honneurs du public et leur rivalité restera célèbre.
Quoi qu'il en soit, les difficultés de Ferrari ne viennent
pas du fameux Mantouan mais des monoplaces allemandes, de plus en plus
rapides. Les P3 remportent la victoire, certes, mais généralement
grâce aux ennuis mécaniques qui frappent leurs adversaires.
La Scuderia Ferrari entre dans une passe difficile, aggravée
par la mort de Guy Moll.
En 1935, Nuvolari est de retour et Ferrari met au point une monoplace
extrêmement puissante, la Bimotore, un monstre équipé
d'un moteur 16 cylindres. Entièrement conçue à
Modène, elle peut être considérée comme la
première voiture signée Enzo Ferrari. Mais son poids
excessif ainsi que des problèmes de pneumatiques ne permettent
pas à la Bimotore de gagner autant qu'elle le devrait (sa vitesse
maximale est de plus de 320 km/h); alors Ferrari s'en remet encore aux
P3, moins rapides mais plus fiables, qui remportent aisément
la victoire grâce au génie de Nuvolari.
En 1936, Enzo Ferrari est au faîte de la gloire: il est le représentant
d'Alfa Romeo sur les circuits, il a construit une monoplace à
laquelle il peut donner son nom, et a à ses côtés
des hommes comme Tazio Nuvolari et Nino Farina, et surtout c'est le
seul à avoir tenu tête aux colosses allemands Mercedes
et Auto Union. On le définit volontiers comme un homme coriace,
têtu, volontaire. Il ne cessera jamais de le démontrer
par la suite.
Suite (Ferrari
quitte Alfa Romeo)