Les monoplaces Ferrari sont victorieuses sur les circuits
du monde entier et le constructeur de Maranello accumule les titres
: la F1 devient une spécialité italienne.
À l'époque, certains parIaient de "Formule
Ferrari", tant l'influence du fondateur de cette marque italienne
était grande dans le monde de la Formule 1 de la seconde
moitié des années 50. À l'origine de cette réputation,
il y a les innombrables victoires remportées par les voitures
du Cavallino sur les pistes du monde entier, semaine après semaine.
Une grande part de ce mérite revient personnellement à
Enzo Ferrari qui, grâce à son charisme, est en mesure d'influer
sur les décisions de la Fédération internationale
et même sur celles des autres constructeurs. Son pouvoir
s'exerce au niveau le plus haut, en Italie et hors d'Italie.
Juan Manuel Fangio, Luigi Musso, Peter Collins, Maurice Trintignant,
Mike Hawthorn, Tony Brooks, Jean Behra, Phil Hill et Wolfgang von Trips
sont les glorieux chevaliers de la vitesse, héros de ce cheval
cabré, estampillé en noir sur fond jaune, qui se couvre
de gloire sur les pistes de Formule 1 du monde entier : de Monaco à
Buenos Aires, de Reims à Silverstone ou de Monza à
Syracuse. Une histoire faite de Grands Prix, de courage, de moteurs,
de vitesse et de défis. Et si les pilotes de la formidable équipe
Ferrari sont originaires de tous les pays du monde, le dialecte
parlé à Modène par les techniciens, les mécaniciens
et les directeurs sportifs (Mina Amorotti et Romolo Tavoni) est en passe
de devenir la langue officielle de la course automobile, où
évoluent des hommes en quête de vitesse, de récompenses
et parfois d'argent, sorte de caravansérail bigarré
qui n'a encore rien de mondain ni de snob.
Ferrari est sacré Champion du monde en 1956, grâce à
Juan Manuel Fangio, puis en 1958, grâce à Mike Hawthorn
et de nouveau en 1961, grâce àPhil Hill. Au championnat
du monde des Constructeurs, Maranello est 2e en 1958 (titre inauguré
cette année là), 2e en 1959, 3e en 1960 et 1er en
1961. Ferrari obtient six pole positions en 1956, quatre en 1958
et six en 1961. Quant aux victoires, on en compte cinq en 1956, autant
en 1961 et encore cinq autres réparties sur trois saisons, de
1958 à 1960, au cours desquelles la firme italienne, pas
toujours à son meilleur niveau, poursuit la conquête d'une
glorieuse renommée, inaugurée seulement dix années
avant.
Les âpres discussions entre la Fédération et Enzo
Ferrari sont encore dans la mémoire des observateurs sportifs
de ces années-là. Le maître de Maranello aimait
répéter : « Si je participe pour gagner, vous
devez me payer; mais si ie viens pour perdre, vous devez me payer encore
davantage... » Le battre était alors considéré
comme mille fois plus méritoire que de battre un autre constructeur,
même s'il s'agissait de noms aussi prestigieux que Lancia, Maserati,
Mercedes, Aston Martin, Porsche ou encore Cooper, Vanwall, BRM et, enfin,
Lotus, l'ennemi juré. Enzo Ferrari voyait en Colin Chapman, autre
self-made man doté d'une immense personnalité et d'un
charisme redoutable, un adversaire à sa mesure : le patron
de Lotus était un homme qui, comme lui, avait su imposer sa propre
empreinte aux victoires de ses pilotes et de ses voitures. Il aimait
les voitures autant que le Commendatore et possédait, comme lui,
un flair sans faille en matière d'hommes.
N'était-il pas, en effet, le découvreur de Jim Clark,
l'Écossais volant ? Les ressemblances avec le fondateur de Maranello
étaient nombreuses... Enzo Ferrari construit paradoxalement
sa popularité sur les désaccords qui l'opposent régulièrement
à la Fédération internationale et aux autres constructeurs.
Il impose son nom dans les discussions. Un nom qui possède une
valeur incontestable. Il tente, par exemple, d'empêcher que la
Formule 1 se dispute au volant de petites cylindrées : en effet,
il construit de puissantes Grand Tourisme, dotées de moteurs
V12, qu'il veut à tout prix imposer sur les pistes du Championnat.
Mais, lorsque Porsche fait pression pour que les courses se disputent
au volant de 1500 cm3, Ferrari accepte sans rechigner et apparemment
sans raison, en dépit de toutes ses revendications. Mais le "oui"
du Commendatore coûtera à la firme de Stuttgart et aux
organisateurs des Grands Prix des sommes pharaoniques. D'autre part,
Ferrari ne s'est pas laissé arracher une telle décision
sans "couverture" : il compte, en effet, sur un nouveau moteur
à 6 cylindres, baptisé Dino en souvenir de son fils, et
qui le portera à la victoire.
Sa seule bataille perdue sera celle des moteurs arrière. Toujours
attentif à la production de série, Ferrari ne veut pas
trahir ses clients en faisant courir des voitures dont le moteur est
installé derrière le siège du pilote. Il va donc
résister dans un premier temps, mais sans succès.
Après avoir assisté aux victoires des petites voitures
anglaise à moteur arrière, Ferrari se plie également
à la nouvelle mode et remonte à la première place.
Nous sommes en 1961 et la voiture victorieuse a été conçue
par Carlo Chiti est pilotée par Phil Hill. D'autres projets animent
le coeur d'Enzo Ferrari qui aime passionnément les Grands Tourisme
dont la production augmente régulièrement. De nombreux
succès qui ne parviennent cependant pas à lui faire oublier
la mort de son fils, le drame de sa vie.
Suite
(La gloire et la douleur)