Les États-Unis sont d'abord un champ de confrontations
sportives, avec la participation d'Ascari à Indianapolis, avant
de devenir !'un des plus grands marchés pour la firme italienne.
Le Commendatore caresse le rêve de réunir la Formule 1
et la Formule Indy en un seul et unique Championnat du monde, mais sans
succès.
Dès 1952, cinq ans seulement après la naissance
de la première voiture portant son nom, la firme participe
aux 500 Miles d'Indianapolis, la course la plus célèbre
de toute l'Amérique. La voiture est une 375 Indy, une ancienne
Formula profondément modifiée. Au volant, Alberto
Ascari, dix-neuvième aux essais, il doit abandonner après
la rupture d'un moyeu de roue. Ce sera la seule participation officielle
de Ferrari à la fameuse course de vitesse américaine.
Du monde des courses à celui de la route, le pas ne sera pas
long à franchir. Au cours de ces années (et des suivantes),
beaucoup de routières de la firme italienne portent des noms
qui ne laissent planer aucun doute sur le marché visé
: 340 America (1951), 340 Mexico (1952), 342 America (1952), 375 America
(1953), 410 SA Superamerica (1955), 250 GT California (1957), 400 SA
Superamerica (1960), 365 California (1966), 365 GTB/4 Daytona (1968).
Au début, il s'agit de châssis et de moteurs très
proches des modèles de compétition carrossés par
les plus célèbres stylistes italiens, de Pinin Farina
(a cette époque son nom s'écrivait en deux mots) à
Ghia, en passant par Vignale. La 340 America, par exemple, est équipée
d'un moteur de 4,1 l de 280 chevaux. C'est un spider avec une carrosserie
de type barchetta réalisée par Touring; en pratique,
c'est la sœur jumelle de la sport utilisée en compétition
l'année précédente. En revanche, la 340 Mexico
(280 chevaux pour une vitesse maximale de 280 km/h) est spécialement
conçue pour la Carrera Panamericana de 1952, l'une des compétitions
qui intéressent le plus Enzo Ferrari, car elle rappelle les premières
éditions des Mille Miglia avec leurs routes poussiéreuses.
Il s'agit toujours de voitures de grosse cylindrée, très
puissantes, destinées à des gens habitués
aux grands espaces et aux chiffres astronomiques. À tel point
que la production se divise en deux secteurs: les séries 250
à moteurs V12 de 3 l de cylindrée sont en pratique réservées
à l'Europe tandis que les cylindrées plus élevées
et les carrosseries monumentales partent pour les États-Unis.
Les coupés de la famille Superamerica sont un bon exemple : elles
sont équipées de moteurs 5 l pour 340 chevaux (en 1955),
et dotées de longues carrosseries avec de grands ailerons à
l'arrière comme le voulait la mode.
L'aventure américaine de la firme de Maranello se poursuit avec
les 500 Miles d'Indianapolis en 1956; la voiture est une monoplace baptisée
Bardhal-Ferrari, conduite par Nino Farina, dotée d'un châssis
Kurtiss carrossé et réassemblé par OSCA. Elle est
équipée d'un moteur 6 cylindres en lignes inspiré
de celui des 121 LM mais qui se révèle peu performant.
Le rapprochement entre les États-Unis et la firme de Maranello
sera à son comble lorsque Enzo Ferrari se fera le défenseur
d'un projet d'union entre le championnat du monde de Formule 1
et le championnat de Formule Indy (il faut rappeler que jusqu'en 1960,
les 500 Miles d'Indianapolis figurent parmi les Grands Prix comptant
pour le titre de champion du monde). Ce projet se concrétise
par deux courses qui se déroulent à Monza en 1957 et 1958
sur l'anneau surélevé du circuit construit pour l'occasion.
L'événement est baptisé 500 Miles de Monza et compte
pour le Trophée des Deux Mondes, qui récompense le pilote
le mieux placé dans les deux courses des 500 Miles, celle d'Indianapolis
et celle de Monza. Pour l'occasion, Ferrari construit une voiture, la
412 MI (MI comme "Monza-Indianapolis"). Luigi Musso part en
pole position et, au classement général, lui-même,
Hill et Hawthorn arrivent troisièmes derrière Rathmann,
qui, vainqueur à Indianapolis, remporte le Trophée des
Deux Mondes. Mais les Européens font preuve d'une profonde hostilité
à l'égard des Américains : à l'occasion
de la première édition des 500 Miles de Monza en 1957,
l'association des pilotes de Formule 1 interdit à ses membres
de participer à la compétition contre neuf pilotes américains.
En 1958, cela ne se reproduira pas et Ferrari y sera pour beaucoup.
Mais, désormais, le projet d'unir les États-Unis et l'Europe
dans un seul et unique Championnat du monde est abandonné, Ferrari
se contentant de continuer à vendre ses voitures en Amérique.
Entre-temps, il connaîtra des succès éclatants qui
orienteront son attention vers la Formle 1, un domaine dont il deviendra
le maître incontesté.
Suite
(La domination des voitures rouges)