Dans les années 70-80, Enzo Ferrari est désormais
un homme de légende. Le fondateur de la marque qui porte son
nom s'occupe encore de la gestion de son équipe de Formule 1
: il fait des choix courageux et s'entoure de collaborateurs de confiance.
Suvivre à sa légende est une tâche
ingrate, même pour un homme comme Enzo Ferrari, habitués
aux imprévus les plus spectaculaires. Les dernières années
de l'Ingegnere seront passionnantes et mouvementées, prolongement
naturel d'une chevauchée exaltante et triomphale inaugurée
des décennies auparavant, faite d'évènements innatendus,
de choix courageux et d'intuitions formidables.
Au cours des dernières années de sa vie, Enzo Ferrari
s'occupe tout particulièrement de compétition automobile
et gère de manière directe sa chère écurie
de Formule 1. Il laisse en revanche la direction de la production de
série à des hommes mandatés par Fiat. En Formule
1, il reste le "chef " incontesté. En 1986 par exemple,
il décide de réaliser une monoplace de Formule Indy et
menace d'abandonner la Formule 1. En 1987 il signe avec Jean-Marie Balestre
et Bernie Ecclestone les Accords de la Concorde. Mais au cours des dernères
années, Ferrari réduit considérablement ses apparitions
en public, préférant se consacrer à l'écriture,
sa seconde passion. Il reste toutefois un personnage de premier plan,
aussi bien en Italie qu'à l'étranger, et ses déclarations,
teintées d'humour et d'ironie parfois mordante sont toujours
très appréciées. L'ingegnere s'entoure de collaborateurs
de confiance. Mauro Forghieri est l'un d'entre eux : ils se connaissent
depuis vingt-cinq ans et ont travaillé durement ensemble, tout
en tissant des liens d'amitié solides. On citera également
Michele Alboreto, qui resta aux côtés d'Enzo Ferrari jusqu'à
la fin. Le commendatore n'a jamais caché l'estime qu'il portait
au pilote milanais, qui fut l'un des derniers italiens à avoir
oeuvré pour Ferrari. On se souviendra qu'en 1985, le titre de
champion du monde échappa de peu à Alboreto : il se classa
deuxième, derrière Alain Prost, vainqueur sur McLaren.
Cette année-là, le Cavallino fut aussi deuxième
au championnat des constructeurs. Enzo Ferrari évoque le pilote
milanais dans ses mémoires, Piloti, che gente : « On connaît
ma sympathie pour Michele Alboreto. C'est un jeune pilote de talent,
qui ne commet que rarement des erreurs. Il est rapide et stylé.
Ses qualités me rappellent celles de Wolfgang Von trips, auquel
il ressemble aussi par son sérieux et son éducation. Pour
moi il figure parmis les six meilleurs pilotes de Formule 1 du moment,
et si on lui confie une voiture compétitive, il n'oubliera pas
de devenir champion du monde...». Michele Alboreto a sans doute
été le dernier pilote à susciter l'estime sans
conditon d'Enzo Ferrari et le fait qu'il ai été le pilote
de Maranello entre 1984 et 1988, année de la mort d'Enzo Ferrari,
ne fait rien à l'affaire. On se souviendra également qu'il
défendit les couleurs de Ferrari au cours des années bien
chaotiques pour le constructeur italien.
Enzo Ferrari lui-même tenta de remédier à cette
situation difficile et fit à cette occasion des choix courageux.
Il décida en effet de prendre les choses en main en confiant
l'élaboration d'une nouvelle voiture à l'anglais John
Barnard, technicien de valeur "arraché" à prix
d'or à l'équipe McLaren. C'est aussi Ferrari qui autorisa
l'ouverture d'un centre d'études spécialisées en
Grande-Bretagne, à Guilford : ainsi, pour la première
fois en plus de quarante ans une partie de l'équipe technique
se déplaçait-elle hors d'Italie... Les monoplaces conçues
et réalisées par l'ingénieur anglais remportèrent
onze victoires entre 1987 et 1991. Avant l'arrivée de Barnard
dans le cénacle de Maranello, Ferrari avait confié la
conception des voitures de Formule 1 à Harvey Postlethwaite (1984),
tandis que Mauro Forghieri s'occupait de la production; puis en 1986,
Ferrari appela Gustav Brunner, technicien autrichien.
On remarquera donc que Ferrari n'avait nullement l'intention de prendre
sa retraite... Les dernières photographies du Commendatore le
montrent les yeux dissimulés derrière des lunettes noires,
le visage amaigri et les cheveux très blancs, mais arborant son
traditionnel sourire. Certains clichés rendent hommage à
sa joie de vivre, à son enthousiasme et à son bonheur
: il semblerait que le temps n'ait eu aucune emprise sur lui et ses
capacités.
Le 14 août 1988, Enzo Ferrari meurt et l'impact de sa disparition
sera très fort sur l'entreprise qu'il avait fondé et dirigée
d'une main de maître pendant de longues décennies. Mais
l'aventure de Maranello n'est pas terminée pour autant, car Ferrari
avait pensé à sa succession, dans ses moindres détails
: grâce à son rachat par Fiat plusieurs années auparavant,
l'avenir est assuré. L'histoire personnelle d'Enzo Ferrari, l'un
des hommes les plus talentueux du monde de l'automobile, est terminée
mais celle de Maranello se poursuit, celle d'un petit cheval cabré
noir sur fond jaune, caracolant sur le rouge des voitures les plus célèbres
du monde. La course continue...
FIN