En quelques années, le fondateur de la firme de
Maranello voit malheureusement disparaître plusieurs de ses pilotes
favoris. Par ailleurs, il est accusé d'homicide après
le terrible accident de De Portago aux Mille Miglia de 1957, les dernières
de l'histoire.
Entre 1957 et 1961, Enzo Ferrari vit des années
qui sont parmi les plus noires de son existence. À ce même
moment, la firme qu'il a fondée après la Seconde Guerre
mondiale ne cesse de prospérer; elle conquiert les marchés
les plus importants de la planète, les ventes et les gains augmentent
régulièrement, notamment grâce à la collaboration
de Pininfarina.
Si l'entreprise d'Enzo Ferrari vit donc des heures de gloire, son fondateur
- homme volontaire et têtu pour qui elle représente l'essentiel
de sa vie - traverse l'une des périodes les plus sombres de son
existence. En l'espace de quelques années, il est, en effet,
accusé de fabriquer des voitures excessivement dangereuses
et de risquer la vie de jeunes hommes qui n'ont que leur courage pour
les protéger.
Tout commence le 14 mars 1957: au cours d'une séance d'essais
privés sur l'autodrome de Modène, Eugenio Castellotti,
compagnon de Della Scala et pilote de Ferrari, se tue. Il avait 27 ans
et un avenir de champion devant lui. Pour Enzo Ferrari, c'est un coup
d'autant plus dur qu'il s'était lié d'amitié avec
le jeune homme, un pilote devenu un personnage en vue de l'Italie de
l'époque et dont la disparition bouleversa l'opinion publique.
Mais à cet épisode s'ajoute la tragédie des Mille
Miglia de 1957 qui coûte la vie à l'un des meilleurs pilotes
de Ferrari, Alfonso De Portago, et à dix autres personnes. En
sa qualité de propriétaire de l'écurie pour laquelle
courait le pilote, Enzo Ferrari est accusé d'homicide. Le 12
mai 1957, la Ferrari numéro 53 du marquis Alfonso De Portago
sort de la route à quelques minutes de la ligne d'arrivée
à Brescia. Au cours de l'accident onze personnes au total trouvent
la mort : le pilote, le copilote (le journaliste Edmund Gurner Nelson)
et neuf spectateurs. La presse s'insurge contre les courses automobiles
et contre Enzo Ferrari en particulier, qui est condamné avant
d'être acquitté après plusieurs années de
tourment. Après ce procés au cours duquel il songera à
abandonner le monde de la compétition, il constitue le 23 mai
1960 la société par actions SEFAI (Società Esercizio
Fabbriche Automobili e Corse) qui remplae la Auto Costruzioni Ferrari
totalement indépendante. Quoi qu'il en soit, face à la
gravité de l'accident et au soulèvement général
du public contre les courses automobile sur route, l'édition
1957 des Mille Miglia sera la dernière. Pour le fondateur de
Maranello, cet épisode n'est que le début d'une période
tragique où il verra disparaître plusieurs de ses meilleurs
pilotes. C'est d'abord Peter Collins qui se tue sur le circuit du Nürburgring
au Grand Prix d'Allemagne en 1958. Les journaux évoquent une
rivalité d'ordre affectif avec Mike Hawthorn, son coéquipier,
qui l'aurait distrait et rendu nerveux. Mais Enzo Ferrari est, lui aussi,
mis en cause personnellement.
À Reims, au Grand Prix de France de 1958, un nouveau drame s'abat
sur la "famille" du cheval cabré. Luigi Musso, l'un
des plus grands pilotes de Formule 1 de l'époque, est victime
d'un grave accident et meurt à l'hôpital des suites de
ses blessures. Là aussi, les rumeurs vont bon train. On raconte
que Musso était contraint de remporter cette course, car elle
le rapprochait du titre mondial mais surtout parce qu'il avait
d'énormes dettes de jeu. Le 9 juillet, l'Osservatore Romano dit
de Ferrari qu'il est un « Saturne qui dévore ses enfants
».
En 1959, c'est Mike Hawthorn, Champion du monde en titre sur Ferrari
qui se tue dans un accident de la route. Cette fois-ci, Ferrari est
entièrement hors de cause, mais il ne ressent pas moins durement
la disparition d'un autre de ses "fils".
Enfin, après une brève accalmie, le destin frappe à
nouveau le 14 septembre 1961, au Grand Prix d'Italie, avant-dernière
épreuve de la saison. À l'entrée du virage parabolique,
Jim Clark, jeune pilote très prometteur, heurte avec sa Lotus
la Ferrari de Wolfgang "Taffy" von Trips, baron allemand,
en tête du championnat avec 33 points contre 29 (pour son coéquipier
Phil Hill) et l'un des meilleurs pilotes de Formule 1. La Ferrari de
von Trips s'envole littéralement, fauchant au passage quatorze
personnes. Von Trips meurt sur le coup. La presse se déchaîne
à nouveau. C'est l'un des plus grave accidents de tous les temps
dans l'histoire des courses automobiles. Cette fois-ci, Ferrari n'est
pas mis en cause mais quelque temps plus tard, il subira une nouvelle
et dure épreuve. Une épreuve qui sera aggravée
par une" révolution" au sein de Ferrari lui donnant
plus que jamais un terrible sentime de solitude...
Suite
(Des démissions en série)